STYLE ET MÉTHODE
Son essai politique conjugue rigueur documentaire et appel vibrant à l’engagement citoyen par l’information. Avec une plume à la fois engagée, incisive et pédagogique, elle use d’un langage limpide, étaye son propos d’exemples parlants et propose des recommandations opérationnelles. À chaque page, elle exhorte le lecteur à passer de la simple observation à l’action, pour devenir pleinement acteur de la démocratie.
L’ouvrage est appuyé par plus de 35 pages de notes sur 141, garantissant clarté des sources et rigueur méthodologique.
Résister se déploie en trois parties complémentaires :
- Le danger qui vient.
- La bataille culturelle.
- Résister aujourd’hui.
RÉSUMÉ PAR PARTIE
Le danger qui vient : Salomé Saqué définit l’extrême droite comme un courant autoritaire, populiste et xénophobe. Elle retrace les origines du Front national (FN) de Jean‑Marie Le Pen et son évolution en Rassemblement national (RN), en soulignant ses racines vichystes et colonialistes. En s’appuyant sur la typologie du fascisme d’Umberto Eco, elle met en lumière les signes avant‑coureurs : culte du passé, rejet de la critique, leader charismatique, rhétorique de la peur. Ces caractéristiques, note‑t‑elle, trouvent des échos inquiétants chez certaines figures contemporaines telles que Donald Trump ou Elon Musk.
Elle rappelle qu’à certains moments de l’Histoire, comme celui de l’ascension d’Hitler, le silence des journalistes a contribué à banaliser l’inacceptable. Aujourd’hui, dans un contexte de montée des extrêmes, la neutralité peut devenir une forme de complicité.
La bataille culturelle : Internet et les réseaux sociaux sont présentés comme le principal champ de bataille : plateformes traditionnelles, sites alternatifs, contenus générés par intelligence artificielle, tous concourent à diffuser mensonges et théories du complot. Saqué analyse la structuration de ces discours haineux, leur viralité grâce aux algorithmes et leur capacité à créer une « réalité parallèle » qui échappe aux médias traditionnels.
Salomé Saqué rejette l’idée d’une neutralité journalistique absolue. Être journaliste, c’est nécessairement faire des choix : sur les sujets, les angles, les témoignages qu’on valorise. Et ces choix traduisent toujours une vision du monde. Cependant, même animé par ses convictions, le journaliste ne falsifie pas les chiffres, ni ne déforme les propos. Pour reprendre l’expression de confrères anglo-saxons, être journaliste, c’est avant tout « regarder par la fenêtre » : vérifier soi‑même avant de rapporter. Exemple : « Si quelqu’un dit qu’il pleut et qu’une autre personne dit qu’il ne pleut pas, le rôle d’un journaliste n’est pas de les citer tous les deux. Son rôle, c’est de regarder par la fenêtre pour dire le temps qu’il fait. »
Résister aujourd’hui : Elle cite Stéphane Hessel : « La pire des attitudes est l’indifférence… ». L’indignation doit se transformer en actions concrètes : participation à des manifestations, engagement associatif, choix de consommation responsable, diffusion d’informations vérifiées. Le journalisme engagé, précise‑t‑elle, ne se résume pas à donner la parole à tous ; il s’agit de refuser de normaliser le racisme et la haine, de vérifier les faits et de prendre parti pour la vérité. Face aux discours haineux, Saqué défend une vigilance journalistique active : pas de tribune en direct pour les propos racistes ou discriminatoires. Ce n’est pas de la censure, mais une responsabilité éditoriale.
Pour elle, le journalisme engagé est une forme de résistance démocratique, qui éclaire l’opinion et protège les contre-pouvoirs essentiels à toute démocratie. Salomé Saqué le rappelle avec force : résister, ce n’est pas mépriser. Ce n’est pas tourner le dos à celles et ceux qui doutent ou se sentent oubliés. Résister, c’est aller vers les gens, comprendre les peurs, écouter les colères et y répondre avec calme et discernement. C’est opposer aux discours de haine une parole dénuée d’arrogance qui rassemble au lieu de diviser. On ne combat pas les personnes, on combat les idées qui menacent la démocratie. Et cela exige mieux que le mépris : ça exige un dialogue, du courage et de la conviction.
Saqué valorise la joie de la résistance comme arme subversive contre la peur et appelle à des mobilisations quotidiennes, pas seulement électorales.
IMPRESSIONS
Par son approche croisée de l’écologie politique et de la justice sociale, Résister offre un nouveau manuel de mobilisation démocratique en fournissant des exemples d’actions de résistance. Son analyse des tactiques contemporaines de l’extrême droite et celle de la neutralité journalistique sont éclairantes. L’essai centré sur la France gagnerait à être confronté à des cas internationaux de résistance citoyenne (Allemagne, France, États-Unis, Japon…)
AUTRES COMMENTAIRES
On pourrait prolonger la réflexion de cette stratégie de résistance à notre dépendance aux géants privés comme Amazon, FedEx ou UPS en imaginant une refonte audacieuse de Postes Canada. Bien plus qu’une simple modernisation, réinventer Postes Canada reviendrait à redéfinir en profondeur le rôle de l’État dans une démocratie contemporaine - confrontée aux défis systémiques de la transition écologique et de la perte de confiance démocratique-.
Dans cette même dynamique, les budgets participatifs - tel celui en environnement de la ville de Granby- invitent chaque habitant à devenir acteur. Les projets qui en naissent émergent « du terrain » souvent plus inventifs et rassembleurs de collectivité que n’importe quel programme imposé d’en haut. Ce procédé est avant tout un geste politique fort : il affirme que l’infrastructure économique ne doit plus être réglée uniquement par les échéances électorales, mais placée sous la vigilance permanente des citoyens. Mieux encore, ces mécanismes comblent souvent une fracture démocratique : ils touchent des quartiers marginalisés, entraînent dans la démarche des jeunes, des populations précaires ou rurales.
En quoi la « joie politique » peut‑elle renforcer les mouvements citoyens ?
Comment les médias traditionnels concilient-ils journalisme engagé et pluralisme (diversité des voix et des opinions) ?
CITATIONS
« Être journaliste, c’est faire des choix : informer avec rigueur, c’est déjà choisir un camp… »
« La joie n’est pas une faiblesse, c’est un acte de résistance. ».
« Nous avons le pouvoir de la protéger [ la démocratie ] de la rendre plus robuste plus vivante, nous sommes la démocratie. »
APPRÉCIATION
Résister, de Salomé Saqué, est un ouvrage limpide et solidement documenté : il éclaire non seulement les périls de l’extrême droite, mais fournit surtout des outils concrets pour agir et nourrir notre réflexion sur l’élargissement de la démocratie.