CONTEXTE
L’ouvrage sorti en septembre 2024 met en lumière la transformation progressive des relations canado-étatsuniennes, désormais marquées moins par la coopération traditionnelle que par une méfiance persistante et un rapport de force asymétrique où Washington impose ses priorités.
RÉSUMÉ
Sur le plan économique et commercial, cette méfiance est ancienne. Si l’ALÉNA visait surtout le Mexique, le Canada a été régulièrement critiqué, notamment pour sa gestion de l’offre laitière. Les secteurs de l’automobile et du homard illustrent quant à eux l’interdépendance incontournable entre les deux économies, mais aussi la fragilité de ce lien dès que les intérêts étatsuniens sont en jeu.
Dans le domaine de l’énergie et de l’environnement, les tensions se multiplient : tarifs sur l’acier et l’aluminium, controverses autour des oléoducs et de l’hydroélectricité québécoise, craintes liées à la dépendance énergétique. Les débats reflètent la contradiction entre les impératifs économiques et les préoccupations environnementales, qu’il s’agisse de la protection des Grands Lacs, de la pêche au saumon ou des impacts de l’industrie minière. Les contestations du marché carbone Québec–Californie soulignent également les limites de la coopération climatique.
La santé et la sécurité constituent un autre terrain de friction. Le projet étatsunien d’importer des médicaments du Canada illustre la recherche de solutions à ses propres problèmes de coûts, mais au risque de fragiliser l’approvisionnement canadien. Sur le plan migratoire, l’épisode du chemin Roxham et la renégociation de l’Entente sur les tiers pays sûrs révèlent la difficulté de concilier solidarité et contrôle des frontières. La crise de la COVID-19 a enfin mis en évidence la vulnérabilité des communautés transfrontalières et la dépendance mutuelle dans des secteurs essentiels comme la santé.
IMPRESSIONS
En filigrane, le livre montre que la relation bilatérale, souvent présentée comme « spéciale », est désormais marquée par trois tendances lourdes : La primauté du nationalisme économique étatsunien, qui relègue la coopération au second plan. L’interdépendance contrainte, qui rend la collaboration inévitable mais toujours contestée. Une fragilité structurelle, où chaque crise (commerciale, énergétique, sanitaire ou migratoire) réactive la méfiance et les tensions. En somme, la relation Canada–États-Unis oscille entre coopération indispensable et rivalité structurelle, avec une constante : la défense prioritaire des intérêts étasuniens, qui continue de redéfinir les termes du partenariat historique.
Le titre du livre, L’Amérique d’abord, le Canada ensuite, me paraît maladroit. L’emploi du mot Amérique entretient une confusion : il désigne un continent entier, mais est ici réduit aux seuls États-Unis. Ce raccourci, typiquement américano-centré, invisibilise les autres réalités du continent. Un titre comme Les États-Unis d’abord, le Canada ensuite aurait été à la fois plus précis, plus fidèle à l’objet de l’ouvrage et moins irritant pour un lecteur attentif aux nuances.