STYLE ET CONTEXTE
Dans son dyptique L’oiseau bleu d’Erzeroum, Ian Manook raconte le génocide arménien de 1915 à 1939. Cette saga historique et familiale autour de l’enfance romancée de sa propre grand-mère nous transporte d'Erzeroum - ville d'Arménie occidentale, située dans le nord-est de la Turquie - aux rives du lac Baïkal situé au Sud de la Sibérie orientale, tout en passant par la France.
RÉSUMÉ
TOME 1
La première scène nous plonge immédiatement au cœur de l’épuration ethnique : l’élimination systématique des Arméniens, leur génocide.
Araxie et Haïganouch, deux fillettes âgées de dix et six ans, survivent à l’assassinat atroce de leur mère. Lors de l’agression, Haïganouch perd la vue. Avec ces deux héroïnes, Ian Manook nous entraîne sur les routes de la déportation orchestrée par la nouvelle République turque. À la tête de cette entreprise d’extermination, Talaat Pacha, ministre de l’Intérieur, en est le principal idéologue et maître d’œuvre. Il bénéficie du soutien d’Enver Pacha, ministre de la Guerre, tandis que le docteur Nazim élabore minutieusement le plan d’effacement des corps et d’élimination des survivants, déportés vers le désert de Deir-ez-Zor, où les attendent la faim, la soif et la mort.
Araxie et Haïganouch parviennent à la cité de Diarbékir (sud-est de l'Empire ottoman) grâce à Chakée, une femme généreuse qui les prend sous sa protection. Mais leur calvaire se poursuit : au cours de la déportation, elles sont vendues comme esclaves. Elles croisent alors la route d’Assina, une jeune fille de treize ans promise à devenir la seconde épouse d’un riche propriétaire à Alep.
S’ensuivent de nombreuses péripéties, de Constantinople à Smyrne - qui deviendra Izmir après l’intervention brutale des troupes de Mustafa Kemal en 1922 -, de Berlin à Beyrouth, d’Erevan à Moscou, mais aussi de Pont-de-Chéruy à Meudon. À travers ces lieux chargés d’histoire, l’auteur nous fait revivre les grandes heures sombres de la déportation des Arméniens, peuple chrétien minoritaire dans une société à majorité musulmane, où ils étaient considérés comme des infidèles et privés des droits et libertés reconnus aux Turcs et aux Kurdes.
Ces péripéties sont le plus souvent empreintes de violence, de peur, et ponctuées de brefs instants de répit. Deux jeunes hommes, Haïgaz et Agop, font leur apparition. Arméniens eux aussi, ils se dressent avec courage et détermination, animés par le désir de venger leurs frères lâchement massacrés et de résister, envers et contre tout.
TOME 2
Dans Le chant d’Haïganouch, Ian Manook poursuit sa fresque arménienne avec un roman vibrant, entre tragédie historique et souffle romanesque, hommage à ceux qui refusent d’oublier.
En 1947, comme tant d’autres idéalistes, Agop quitte Marseille pour répondre à l’appel du retour au pays, porté par Staline et les organisations arméniennes. Mais la terre promise se révèle cauchemar soviétique.
Au cœur de la Sibérie, Haïganouch, poétesse aveugle, hantée par la séparation d’avec sa sœur depuis le génocide de 1915, fuit désormais la traque de la police politique.
Leurs destins se croisent dans un voyage éprouvant, des camps d’Erevan aux goulags glacés de Iakoutsk. Dans ce monde sans pitié, quelques lueurs demeurent : le courage, l’amitié, la volonté de survivre.
IMPRESSIONS
Je connaissais peu l’histoire du génocide arménien, et j’ai été frappée par les similitudes troublantes avec le génocide des Juifs : la violence systématique, les déportations, l’effacement d’un peuple. Comment peut-on justifier un tel acharnement contre une minorité ?
Cette violence systémique rappelle, à bien des égards, ce qui se rejoue aujourd’hui dans l’histoire américaine : un pouvoir majoritairement blanc et masculin qui cherche à affaiblir les droits des Noirs, des immigrés, des femmes et des minorités. Jusqu'où cette politique aux ressorts fascistes s'imposera-t-elle ?