CONTEXTE
Dans chacun de ses thrillers, Franck Thilliez - un de mes auteurs préférés dans le genre thriller - s’attache à photographier une société dans ses contradictions, ses fractures et ses blessures. Ses romans offrent à la fois le frisson du divertissement et une réflexion sur nos réalités collectives.
Avec Norferville, ville fictive inspirée de la véritable Shefferville, cité minière abandonnée du Grand Nord québécois, il plonge le lecteur dans un univers glacial, hostile, presque dévorant. L’écrivain a puisé ses détails concrets auprès d’habitants de la région : nourriture locale, hiver implacable, atmosphère minière. Tout sonne juste.
RÉSUMÉ
Le corps mutilé de Morgane Schaffran, Française exilée pour des raisons obscures, est retrouvé à Norferville, le foie arraché. Crime humain ou bête sauvage ? La lieutenante Léonie Rock, métisse innue marquée par un passé douloureux dans cette ville, est chargée de l’enquête. De son côté, Teddy Schaffran, criminologue lyonnais et père de la victime, débarque au Canada sans mesurer ce qui l’attend. Ces deux êtres cabossés vont unir leurs forces pour affronter un territoire autant qu’un mystère.
IMPRESSIONS
Le roman déploie une tension constante : au-delà du meurtre, c’est l’endroit lui-même qui paraît agresser ceux qui y vivent, les broyer, les recracher. Thilliez excelle à transmettre, par la précision de son écriture, la morsure du froid, le souffle du vent, la beauté sauvage d’un Nord impitoyable.
Mais Norferville est aussi un livre engagé. Il éclaire les violences subies par les peuples autochtones, en particulier les femmes : agressions sexuelles, discriminations, marginalisation. L’évocation des réserves innues, décrites comme des lieux d’enfermement, fait écho aux conclusions accablantes de la Commission d’enquête sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées, qui parle d’un véritable génocide fondé sur le sexe et la race.
Dur, troublant, déchirant, ce roman est un véritable page-turner. Par-delà l’intrigue criminelle, il dénonce l’indifférence face à une tragédie canadienne encore trop occultée.