CONTEXTE
Pour Cooke ce livre a été un projet gigantesque, intimidant, douloureux, intellectuellement, éreintant, une gageure sur le plan personnel. La préparation de ce livre a nécessité des recherches monumentales, et elle a une dette envers les nombreux esprits brillants qui lui ont donné la main pour gravir cette montagne intellectuelle. Plusieurs scientifiques l’ont accueillie sur le terrain, chez eux ou dans leur labo, lui ont donné accès à leur terrain de recherches en cours et ont répondu à ses nombreuses questions. Son livre a aussi été influencé et bien documenté par des recherches scientifiques pionnières dans le monde animal des femelles
Les chapitres
1- l’anarchie du sexe : qu’est-ce qu’une femelle?
2- la ministère du choix du partenaire : l’oiseau robot à l’rescousse
3- le mythe de la monogamie : femelle, volage et fiasco de la mouche vinaigre
4- 50 façons de manger votre amant : l’énigme du cannibalisme sexuelle
5- l’amour est un champ de bataille : la guerre génitale
6- adieu aux Madones : mère, altruiste, et autres, bêtes fictives
7- garce, entre elles : quand les femelles se battent
8- politique des primates : le pouvoir de la sororité
9- Matriarches et ménopause : affinités avec uneorque.
10- quand les filles se débrouillent toute seule : la vie sans mâles
11- au-delà de la binarité : l’arc-en-ciel de l’évolution
RÉSUMÉ
Le premier chapitre L’anarchie du sexe : qu’est ce qu’une femelle m’est apparue plus technique et très innovateur dans la distribution des lettres W - X -Y -Z. Pas mal surprenant, alors que mes dernières notions en biologie humaine et animale (zoologie) remontent au secondaire. Je me souvenais de la détermination du sexe selon un système de chromosomes XX (femelle avec ovaire) et XY (mâle avec testicules). That’s it !
Quelle surprise d’apprendre que la détermination du sexe d'une grenouille peut être fortement influencée par l'environnement, conduisant dans certains cas à une inversion du sexe et à des rapports sexuels biaisés. Que le développement de testicules plutôt que d’ovaires est tantôt génétique, tantôt environnemental, tantôt un peu des deux. Tout dépend de l’origine géographique des grenouilles.
Permettez-moi une incursion plus approfondie dans cette première partie de l’ouvrage, le temps de revisiter certaines notions et de mettre à jour mes connaissances. Dans le cas contraire, rendez-vous directement à la section « Chapitres suivants ».
Dans les régions au Nord, la grenouille obéit au système génétique familier XY, et son développement obéit aux attentes : la XY a des testicules, la XX des ovaires.
Par contre, dans les régions méridionales, tous les têtards sont XX et se développent comme femelles. Mais lorsqu’ils sortent de l’eau, la moitié environ inverse son développement génétique sexuel : leurs ovaires se transforment en testicules, et ils deviennent des mâles mais toujours avec les chromosones XX.
Le sexe de certains mâles est régit par la température, et il commence leur vie avec des ovaires ; chez d’autres, le processus est déclenché par des gênes. Résultat : certains suivent le processus génétique classique, mais pas tous. Des recherches rapportent l’existence de grenouilles génotypiquement femelles transformées en mâles (mâle XX), et dans d’autres cas, génotypiquement mâles transformées en femelles (femelle XY).
En laboratoire, il a été démontré que certains polluants tels que les œstrogènes synthétiques et les herbicides incitent aussi à l’inversion de sexe.
Mais, attendez, je poursuis mon incursion dans ce chapitre que j’ai dû relire, en partie, deux fois plutôt qu’une !
Certaines grenouilles ont un système de détermination du sexe différent du modèle humain, elles suivent un modèle ZZ (mâle) et ZW (femelle) comme chez les oiseaux. « Mais ce système génétique peut être neutralisé par une chaleur excessive. Si, pendant leur développement, une couvée d’œuf ZZ se fait rôtir par un soleil torride, la température élevée, l’emporte sur le sexe chromosomique et les mâles ZZ se transforment en femelles. » D’ailleurs, l’observation de certains comportements de la femelle ZZ conduit des chercheurs à suggérer que ce sexe inversé - « réagissant différemment à une gamme variée de pressions environnementales leur conférant un avantage évolutif » - devrait peut-être être considéré comme faisant partie d’un troisième sexe.
Ce n’est pas tout !
J’y ai aussi découvert le gynandromorphe, qui désigne un organisme présentant à la fois des caractéristiques mâles et femelles. Ce phénomène, observé chez certains insectes, crustacés et oiseaux, résulte d’une répartition asymétrique des chromosomes sexuels au cours du développement embryonnaire. Par exemple, chez certains papillons ou oiseaux, un individu peut avoir un côté du corps avec des caractéristiques mâles (plumage, taille, testicule) et l’autre côté avec des caractéristiques femelles (plumage, ovaire).Cette notion remet en question l’idée d’une séparation rigide entre les sexes et illustre la diversité biologique existant bien au-delà du modèle strictement binaire XX/XY.
Selon un chercheur et professeur de zoologie et de psychologie à l’université du Texas, il existerait cinq types de sexe : chromosomique, gonadique, hormonal, morphologique et comportemental. «Les variations sont la matière de l’évolution. Sans elle, un système reste figé. Alors c’est important qu’il y ait des variations des caractères sexuels. » Ce chercheur reproche « au Concept organisationnel de promouvoir une vision rigide et déterministe qui, en mettant l’accent sur les différences entre les sexes, renforce la conception, binaire et ignore la splendide diversité des caractéristiques sexuelles rencontrées dans la nature. » C’est choquant, argue-t-il.
Si je reporte tous ces génotypes possibles à l’humain, je comprends mieux l’importance de la reconnaissance binaire, non-binaire.
CHAPITRES SUIVANTS
Dans les chapitres qui suivent, Cooke explore plusieurs espéces animales où les femelles jouent un rôle central et parfois inattendu : certaines sont dominantes, d’autres s’engagent dans des comportements sexuels variés ou prennent des décisions qui influencent l’évolution des populations. Cooke insiste sur le fait que la biologie du sexe est bien plus fluide et anarchique qu’on ne l’a longtemps cru. Elle montre que les idées longtemps admises dans les milieux scientifiques sur le genre féminin (docilité, monogamie, maternité résignée, oubli de soi, renoncement) ne sont pas des lois biologiques, mais plutôt des interprétations biaisées de la science menée par les hommes. À travers des études sur diverses espèces (hyènes, bonobos, oiseaux, poissons), elle met en lumière des comportements inattendus comme l’infidélité, l’agressivité et la domination chez les femelles. Elle apporte une réévaluation du rôle des femelles dans la nature, qui casse les stéréotypes et met en lumière leur puissance et leur complexité.
Le chapitre 4 Cinquante façons de manger votre amant : l’énigme du cannibalisme sexuel. Un chapitre amené de façon amusante, malgré le caractère plutôt sanglant du sujet. Pour les chercheurs de ce domaine spécifique « c’est un spectacle incroyablement excitant » celui d’observer méticuleusement ce comportement énigmatique de la femelle variant selon que la consommation du mâle a lieu avant, pendant ou après la copulation. Ce cannibalisme sexuel « se maintient grâce à un cocktail de forces sélectives : comme si le conflit sexuel, la sélection sexuelle et la sélection naturelle se soûlaient ensemble et faisaient les fous toute la nuit ».
Le chapitre 5 L’amour est un champ de bataille : la guerre génitale contient des exemples particulièrement cocasses…Plus sérieusement, des exemples indiquent que l’ovule peut vraiment influencer l’identité du spermatozoïde qui le pénètre, et ce, « quelque soit celui qui a gagné la course ». Cette révélation scientifique est stupéfiante !
Avec un style vif et accessible, mêlant humour et anecdotes surprenantes, Cooke rend son propos percutant et engageant. Son approche féministe et décomplexée vise à changer notre regard sur la biologie et à réintégrer les femelles dans l’histoire évolutive sans les enfermer dans des stéréotypes.
Bitch est un ouvrage passionnant qui bouscule les idées reçues sur le sexe et l’évolution darwinienne. En réévaluant la place des femelles dans la nature, Lucy Cooke propose une lecture plus nuancée et moderne de la biologie, montrant que la diversité des comportements féminins est bien plus vaste que ce que l’on nous a longtemps fait croire.
Selon les propos de Lucy Cooke, les recherches en biologie ont d’abord été menées par des hommes, et par le fait même démontrant un biais machiste. À travers les interprétations biaisées de la science.
Tout au long de ce livre, à travers des exemples qui défient les stéréotypes binaires rigides des théories de Darwin, Lucy Cooke déconstruit les mythes entourant le rôle passif attribué aux femelles dans le règne animal. Tels des taupes femelles imbibées de testo qui abhorrent des gonades mâles protubérantes et sont dépourvues de vagin apparent; des hyènes tachetées où les femelles dominantes socialement et agressives sont dotées de pseudo-pénis pendants ; des agames barbus femelles qui, tout en étant, mâles, du point de vue chromosomique, sont plus fécondes que leurs homologues génétiquement femelles ; des orques, post-ménopausées qui mènent une existence sociale et sexuelle épanouie ; des femelles rats-taupes nus qui se battent à mort pour accéder au statut suprême; de petites femelles bonobos qui parviennent à dominer des mâles en s’adonnant à l’extase du frottage mutuel ; des femelles langurs volages dont la vie sexuelle dissolue est une manifestation de dévouement maternel extrême ; et des poissons-clowns femelles en transition dont les ovaires ne sont pas encore développés.
Ces observations invitent à reconsidérer les notions de sexe et de genre, tant dans le monde animal que dans nos sociétés humaines.
Ces femelles nous apprennent que le sexe est un trait dynamique et flexible, il est façonné par l’interaction particulière entre des gènes communs et l’environnement. Les recherches sont encore orientées vers les mâles, selon la théorie de l’évolution machiste et patriarcale de Darwin, que ce soit intentionnel ou non. Selon, le biologiste animal Crews, il faut renoncer au binarisme de l’assignation sexuelle; il y a un continuum avec les mâles à un bout, les femelles à l’autre, et, entre ces deux types, la variabilité est continue.
« Le fait est que la biologie dominante se montre lente à dépasser les définitions binaires du sexe et à reconnaître les faits biologiques » ce qui est quelque peu ironique. Crews explique que bien que le cerveau humain aime où tout est blanc ou noir, c’est problématique quand il s’agit de sexe. Selon lui, regarder le monde animal à travers des lunettes binaires a poussé des scientifiques comme Darwin, et bon nombre d’eux depuis, à se focaliser sur les différences entre les sexes. Il est donc nécessaire de procéder à une évaluation critique du travail existant.
De plus, les recherches seraient encore orientées vers les mâles. De nombreux chercheurs de recherche en laboratoire sur des animaux vivants éviteraient d’utiliser des femelles. Les souris blanches femelles étudiées en laboratoire montrent qu’elles ont été domestiquées sous l’influence du machisme. À l’état sauvage la souris femelle serait tout aussi agressive que le mâle.
La mise en lumière de la diversité des vagins et des clitoris de Patricia Brennan est un indispensable travail qu’il faut poursuivre. « des théories conçues par de vieux hommes blancs sexistes sont avant tout utiles à de vieux hommes blancs sexistes » le combat pour la vérité biologique est crucial si nous voulons construire une société plus inclusive et travailler ensemble à la préservation de notre planète et de ses habitants.
IMPRESSIONS
Dans cet ouvrage, Cooke part à la rencontre des animaux et des scientifiques qui contribuent à corriger une vision patriarcale dépassée de l’évolution de Darwin et ses successeurs et à redéfinir la femelle en explorant sous un angle plus féministe sa sexualité et ses stratégies reproductives. Cela me rappelle les propos de Simone de Beauvoir dans son approche féministe de la philosophie éthique « La représentation du monde est le travail des hommes, ils le décrivent d’après leur propre point de vue. » Puis, toujours Beauvoir, « Ils [les hommes] ont fait du masculin le critère à partir duquel ils jugent la nature humaine. »
Cooke soutient, avec de nombreux exemples en appui, qu’en réalité, les femelles ont souvent un rôle actif dans la sélection des partenaires, la compétition et l’adaptation.
Avec humour, et rigueur scientifique, Lucy Cooke propose une perspective rafraîchissante sur la féminité animale, encourageant une réflexion profonde sur les préjugés de genre, et la manière dont ils influencent notre compréhension du monde actuel.