CONTEXTE
Le chant des oubliées est né d’un projet d’écriture imaginé par Kristin Hannah dès 1997. Très jeune, elle en garde un souvenir saisissant. Elle se rappelle « les manifestations, le ton grave du présentateur du journal télévisé, les images répétées de jeunes hommes envoyés au front » et surtout, le sort réservé aux vétérans à leur retour aux États-Unis dont plusieurs étaient des amis de son père. Des décennies plus tard, elle revient sur cette période marquante de l’histoire : la guerre du Vietnam.
C’est en lisant les récits de femmes ayant servi au Vietnam que l’idée du livre prend véritablement forme. Elle découvre alors un pan méconnu de l’Histoire : l’héroïsme de ces femmes, souvent infirmières, dont les témoignages ont été ignorés, niés ou effacés. À leur retour, elles se heurtent elles aussi au silence, voire au déni. Beaucoup racontent qu’on leur répétait qu’il « n’y avait pas de femmes au Vietnam ».
Ce livre donne enfin la parole à ces oubliées. Car, comme le résume une phrase clé, fondatrice du projet : « Les femmes avaient une histoire à raconter, même si le monde n’était pas encore tout à fait prêt à l’entendre. Et cette histoire commençait par trois mots simples : Nous étions là. »
RÉSUMÉ
Californie, 1966. Les femmes aussi peuvent être des héros. Frankie McGrath, 20 ans, a grandi dans une famille aisée et profondément patriote, convaincue que son avenir se résumera à devenir une épouse dévouée et une mère exemplaire, tandis que la gloire reviendrait à son frère. Mais en pleine guerre du Vietnam, elle prend une décision inattendue : s’engager comme infirmière militaire. À son arrivée à l’hôpital de Saigon, elle est confrontée de plein fouet à l’horreur - les corps brisés, la peur omniprésente, la mort quotidienne. Dans cette jungle implacable, chaque jour devient un combat pour tenir bon… une expérience qui la marquera à jamais.
Mais le retour au pays n’est pas synonyme de répit. Pour Frankie et ses compagnes d’armes, une autre guerre commence : celle d’une reconnaissance refusée, dans une Amérique fracturée, sourde à leur courage et à leurs blessures invisibles. « Elle y avait d’abord raconté jour après jour sa souffrance, puis sa guérison, et enfin son émancipation dans le Montana, sur les terres où elle s’était découverte, où elle avait trouvé sa vocation, et sa passion. (…) elle avait son ranch, et les femmes qui venaient auprès d’elle. Elle avait des amis, une famille et un but. Elle avait la grande vie accomplie dont son frère et elle avaient rêvé autrefois. »
IMPRESSIONS
Que sait-on réellement des traumatismes vécus par les femmes infirmières au Vietnam ? Leurs souvenirs ne sont pas de simples réminiscences : ce sont des éclats de mémoire, des retours fulgurants dans le passé, si puissants qu’ils donnent l’impression d’y être à nouveau. Le retour au pays n’a souvent été qu’un déplacement du corps ; l’esprit, lui, est resté là-bas, figé dans les cris, le sang, la fatigue extrême, et la solitude morale.
Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) dont souffrent nombre d’entre elles rejoint d’autres formes de trauma que l’on retrouve chez les soldats, les survivants de catastrophes naturelles, les victimes d’agressions, ou encore les soignants confrontés à des situations extrêmes (comme en temps de pandémie ou dans des zones de guerre). Ce qui distingue pourtant le traumatisme des infirmières du Vietnam, c’est leur invisibilité. On a nié leur présence, et donc leur douleur. À la violence vécue sur le terrain s’est ajoutée celle, plus insidieuse, du silence imposé, du manque de reconnaissance, de l’effacement.
Ces femmes partagent avec d’autres survivants ce moment brutal où le présent se fracture sous l’irruption du passé, ce qu’on appelle souvent un flashback. Mais dans leur cas, il s’agit aussi de lutter contre une double absence : celle de la mémoire collective, et celle d’une écoute qui leur a longtemps été refusée. Le traumatisme, chez elles, devient une forme de solitude persistante – une guerre intérieure prolongée dans l’indifférence.
Avec Le chant des oubliées, Kristin Hannah livre un roman poignant et profondément humain, rendant justice à ces femmes oubliées de l’Histoire, qui ont servi avec bravoure dans l’ombre de la guerre du Vietnam.
APPRÉCIATION
Comment vous dire que j’ai aimé cette lecture ! Un livre marquant, que j’ai dévoré page après page, avec une frénésie qui n’a jamais faibli, jusqu’à la toute dernière ligne.♥️