WELLS, Paul - Justin Trudeau dans les câbles. Gouverner quand ça va mal
Essai politique 152p
Auteur
Paul Wells, journaliste politique chevronné, est rédacetur principal au magazine Maclean’s. Durant près d’un quart de siècle de carrière à la colline du Parlement, il a couvert les mandats de quatre premiers ministres canadiens et sept scrutins fédéraux. Son livre primé intitulé « The Longer I’m Prime Minister » a connu un succès éclatant en librairie à l’échelle nationale. M. Wells a animé le premier débat des chefs télévisé de la campagne électorale de 2015. Trois fois récipiendaire de la médaille d’or dans le cadre des Prix du magazine canadien, il agit souvent à titre de commentateur sur les ondes des chaînes de télévision - entre autres, panéliste au télé journal du jeudi soir avec Céline Galipeau - et des stations de radio francophones et anglophones.
L'ouvrage
Dans Justin Trudeau dans les câbles, aux éditions La Presse octobre 2024, Paul Wells explore la gouvernance de Justin Trudeau, mettant en lumière les tensions, les défis et les contradictions d’un premier ministre souvent perçu comme une figure charismatique et progressiste, mais aussi critiqué pour des décisions politiques parfois ambiguës et la réalité de son bilan.
Résumé
Wells soulève, d’une part, les défis structurels (champ de compétence, économie basée sur les ressources naturelles, bureaucratie gouvernementale, polarisation croissante entre certains groupes de personnes) et, d’autre part, les choix politiques (les excuses et les selfis au détriment des actions concrètes, les compromis électoralistes, la gestion imprévisible des crises, la concentration du pouvoir au Bureau du Premier ministre,…) qui ont limité la portée de son agenda réformateur.
Commençons par ce dernier point : la concentration des pouvoirs au Bureau du Premier Ministre. Trudeau a gardé la mainmise sur la nomination des chefs de cabinet - une pratique instaurée par Stephen Harper - qui fait en sorte que les ministres se retrouvent dans un étau, entourés de gens qui sont d’abord redevables au premier ministre. Le conseil des ministres voit de plus en plus son rôle réduit à celui de figurant. Informé des décisions prises ou des politiques adoptées au Cabinet du premier ministre ou au Bureau du Conseil privé, il est très souvent mis devant le fait accompli. Selon Wells, le phénomène s’est intensifié sous le règne de Justin Trudeau.
Wells pointe les défauts attribués au leadership de Justin Trudeau. Ce dernier est souvent perçu comme un leader focalisé sur sa marque personnelle et sur les apparences. Son style charismatique et ses efforts pour projeter une image progressiste et inclusive sont parfois jugés comme creux, manquant de profondeur et d’engagement réel. Wells explore comment cette stratégie, initialement très efficace sur la scène nationale et internationale, s’est heurtée à une fatigue croissante de l’électorat face à un apparent manque de substance et d’exécution.
Bien que des gestes comme les excuses aient un impact symbolique, Wells critique un manque de suivi par des actions concrètes. Exemple : ses excuses aux peuples autochtones, ou encore, ses déclarations sur la diversité et l’inclusion. Aussi, toujours selon Wells, Trudeau s’appuie souvent sur des slogans et des idées générales sans toujours approfondir les détails de ses politiques. Il donne en exemple les ratés dans la mise en œuvre de la réforme électorale abandonnée en 2017.
Ses priorités électoralistes semblent parfois dictées par des considérations politiques à court terme plutôt que par une vision à long terme. Exemple de politique qui a affaibli sa crédibilité : soutenir l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain tout en se présentant comme un champion de la lutte contre le changement climatique.
Des scandales comme l’affaire SNC-Lavalin ont mis en évidence un manque de jugement dans sa gestion des pressions politiques, renforçant les accusations de favoritisme et de manque de transparence. Son voyage chez l’Aga Kan a exposé son absence d’éthique. Sans parler de son voyage en Inde… Outre l’affaire SNC-Lavalin, l’ouvrage revient sur d’autres crises majeures : la pandémie de COVID-19 et les manifestations des camionneurs. Ces épisodes sont analysés comme autant de moments qui ont testé les limites du style de leadership de Trudeau, souvent critiqué pour son approche ou centralisée, ou improvisée ou trop lente.
Style
L’ouvrage de Wells allie analyse rigoureuse et plume incisive.
Impressions
Le titre lui-même, Dans les câbles (outre la référence à l’agitation autour de son combat de boxe gagné en 2012 contre le sénateur Patrick Brazeau, que Wells aime bien le rappeler), évoque l’idée que Trudeau est pris dans un enchevêtrement de pressions : les attentes contradictoires de ses électeurs, les réalités institutionnelles canadiennes et les défis géopolitiques mondiaux. Wells décrit un leader qui navigue avec difficulté entre ces forces, parfois en multipliant les compromis. Outre le fait qu'on ait eu l'impression qu’il se soit retrouvé régulièrement dans les câbles avec Pierre Poilièvre, on a eu récemmemt aussi l'impression d’assister à un autre combat de boxe contre Chrystia Freeland…
Réflexions
Son ouvrage pousse à s’interroger sur la nature du leadership moderne et sur ce qu’attendent réellement les citoyens d’un premier ministre dans un contexte politique de plus en plus polarisé ainsi que devant la posture agressive d’un Président américain. Plus qu’une critique de Trudeau, Dans les câbles Gouverner quand ça va mal est une réflexion sur la politique canadienne contemporaine et les défis structurels auxquels le pays est confronté.
Appréciation
Un ouvrage réussi si vous aimez la politique canadienne