Ouvrage collectif - Les mille visages du populisme ❤️
Essai actualité/politique 200 p
Antoine Char dirige et contribue au collectif.
CONTRIBUTEURS
Char est professeur à l'École des médias de l'Université du Québec à Montréal. Il a été tour à tour journaliste au quotidien Le Jour, à l'Agence France-Presse, à La Presse canadienne, auprès d'Inter Press Service et au Devoir. Les mille visages du populisme est un ouvrage collectif regroupant 14 auteurs - des journalistes retraités, pour la plupart des anciens de Radio-Canada et du Devoir. On y retrouve notamment la contribution de Michel Garneau dit Garnotte (caricaturiste au Devoir de 1996 – 2019) et celle de Serge Truffaut auteur de l'excellent Mémorandum Powell Enquête sur une dérive politique. Ces contributeurs ont monté un dossier sur le populisme à partir d’un demi-millier d’articles rédigés sur le site Internet En retrait. Leur but est de décortiquer sous toutes les formes d’idéologie et le mouvement politique nommé populisme.
APARTÉ 1 Mémorandum Powell, un très bon thriller s'apparentant à un essai politique, est en fait une enquête politique qui tente de répondre à la question : comment expliquer la montée en puissance de la droite dure. Un riche homme d'affaires engage un courtier en information. Ce dernier arrive à la conclusion qu’un document est à l’origine de cette dérive politique, soit le Mémorandum Powell.
APARTÉ 2 Cela ne vous rappelle-t-il pas un autre document ? Soit Projet 2025, également connu sous le nom de Projet de transition présidentielle, un ensemble de plus de 900 pages de propositions politiques conservatrices de droite visant à transformer le gouvernement fédéral des Etats-Unis et à consolider le pouvoir exécutif de Donald Trump.
STYLE
L’oivrage explore différentes dimensions du populisme, notamment ses multiples définitions et ses manifestations à travers le monde. Il examine les discours du populisme, l'impact des réseaux sociaux et scrute des gouvernements qui semblent s'orienter vers le populisme. Son analyse comparative s’appuie sur une variété d’exemples, allant du populisme du « gros bon sens » de Pierre Poilièvre au populisme trumpiste, en passant par les mouvements européens comme le Brexit et le Front National, la politique italienne de Giorgia Meloni, ainsi que par les expériences en Amérique latine, telles que le chavisme sans oublier le populisme scientifique incarné par Didier Raoult. En outre, il contient des références historiques, sociologiques, philosophiques et littéraires enrichissantes. L’ouvrage est écrit de manière claire et pédagogique, rendant les analyses compréhensibles à un large public malgré la complexité du sujet.
RÉSUMÉ
L’ouvrage part d’un constat : la rage s’impose comme le moteur du populisme lorsqu’il tend vers le complotisme. Cependant, ses auteurs ont observé d’autres formes de populisme.
D’abord, ils le présentent comme un concept caméléon, pouvant se marier aussi bien avec des idéologies de gauche et ses enjeux économiques (anti-capitalistes, progressistes) que de droite plus particulièrement par la position de ces acteurs sur l’axe culturel (nationaliste, anti-immigration). Le populisme a même transcender ces clivages avec la montée des leaders charismatiques, les revendications anti-élitistes, les crises économiques et les frustrations populaires, voire les colères sociales.
Ils relèvent discours stéréotypé mobilise les émotions (peur, colère, espoir) pour construire un sentiment d’appartenance collective. Ce discours populiste dénonce la domination et l’arrogance des élites intellectuelles, médiatiques, financières ou scientifiques. Il stigmatise quelque soit l’Autre, l’étranger, le noir, le musulman, le juif, l’immigrant, etc. Le discours évoque volontiers des complots étayés par de fausses informations. Cette défiance s’exprime souvent à travers un discours simpliste, opposant « le peuple » (perçu comme pur et vertueux) à une élite corrompue.
Le discours stéréotypé du populisme mobilise les émotions (peur, colère, espoir) pour construire un sentiment d’appartenance collective. Ce discours populiste dénonce la domination et l’arrogance des élites intellectuelles, médiatiques, financières ou scientifiques. Il stigmatise quel que soit l’Autre, l’étranger, le noir, le musulman, le juif, l’immigrant, etc. Le discours évoque volontiers des complots étayés par de fausses informations. Cette défiance s’exprime souvent à travers un discours simpliste, opposant « le peuple » (perçu comme pur et vertueux) à une élite corrompue. Le discours populiste de la CAQ, cité en exemple, repose principalement sur la question identitaire, avec l’immigration et la protection du français comme enjeux centraux. Dans son discours populiste électoraliste s’ajoute un rejet de l’expertise scientifique et un discrédit des critiques, particulièrement visible dans le débat autour du troisième lien entre Québec et Lévis.
Le Collectif se penche sur les réseaux sociaux et leurs plateformes animées par les populistes lesquelles deviennent des microcosmes où aucune opinion n’est interdite. Ces espaces se caractérisent par des propos souvent outranciers, marqués par la misogynie, le racisme ou l’antisémitisme, destinés à choquer et à polariser. Derrière leurs écrans, ces individus trouvent un sentiment de puissance, s’exprimant sans retenue et se contentant de leur « vérité », qu’ils jugent suffisante. Peu enclins à remettre en question leurs croyances, leurs convictions, ils se nourrissent d’émotions et de ressentiments, imperméables aux faits.
Les auteurs distinguent diverses formes de populisme. Le populisme économique oscillant entre libre-échange et protectionnisme ; avec ou sans filet social ; entre baisses d’impôts ou mesures comme la taxe sur les produits et services.
Le populisme migratoire marqué par ses enjeux de nécessité (on pense à la pénurie de logement, au manque de personnel en éducation, au manque de places en garderie), ses défis complexes et les différentes politiques qui en découlent.
Le populisme ethnique manifesté à travers des débats autour, entre autres, de la citoyenneté des enfants d’immigrants, de la « chasse au foulard », des seuils d’immigration, des enjeux liés à l’éducation.
Le populisme scientifique illustré, entre autres, par des propositions controversées comme l’usage de la chloroquine ou du Lysol durant une certaine pandémie – des épisodes mémorables qui resteront dans les annales.
Le populisme touristique manifesté par des mesures telles que le blocage des voyageurs en provenance de certains pays ou régions spécifiques. Par des réglementations visant à trouver un équilibre, souvent sujet à débat, entre les retombées économiques et la préservation de la qualité de vie des habitants.
Ce vocable vu sous une constellation d’approches aurait un point commun : le rejet des élites politiques, économiques, intellectuelles accusées de ne pas répondre aux besoins réels des citoyens.
IMPRESSIONS
Les auteurs ne se limitent pas à une condamnation simpliste du mouvement populiste. Plutôt que de le diaboliser, ce Collectif invite à comprendre le populisme comme un symptôme des dysfonctionnements démocratiques – qu’il s’agisse de méfiance envers les institutions ou d’inégalités sociales. En interrogeant les raisons de son puissant écho à travers le monde, il me semble qu’ils l’envisagent non seulement comme une menace à l’ordre démocratique, mais surtout comme un cri d’alerte. De même, il me semble qu’ils considèrent que les élites doivent repenser leurs responsabilités envers des populations marginalisées.
Richement documenté, l’ouvrage reste accessible pour les lecteurs non spécialistes, grâce à des exemples concrets et une approche pédagogique.
Les mille visages du populisme est un ouvrage essentiel pour comprendre un phénomène qui redéfinit la politique contemporaine. Il est une invitation à réfléchir sur les défis et les opportunités que pose le populisme pour l’avenir des démocraties. Pour moi, un ouvrage coup de ❤️
EXTRAIT
Le populisme apparaît comme un « carnaval d’émotions irrationnelles où un public frustré est appelé à jouer un rôle et à partager ses angoisses et ses émois.»
COMMENTAIRES
L’extrême droite ne devrait pas être qualifiée de populisme sinon pour cacher la vraie nature de son idéologie : racisme, xénophobie, antisémitisme et antimusulman, nationalisme, homophobie et suprémacisme blanc.
En m’inspirant des propos tirés du livre Les ingénieurs du chaos de GIuliano da Empoli -sur lequel je reviendrai en mars-, je réfléchirai sur des pistes pour refonder une démocratie plus inclusive et connectée aux attentes des citoyens.