CONTEXTE
Une dystopie installée au cœur de Montréal, où les enfants différents sont pourchassés jusque dans le ventre de leur mère.
L’autrice granbyenne, jeune maman de sept enfants, signe ici son premier roman. L’un de ses enfants est né avec une amputation, une réalité qu’elle tenait à intégrer à son œuvre. Je l’ai rencontrée ce printemps au Salon du livre de Granby : entre deux dédicaces, elle me confiait avoir suivi un cours d’écriture au cégep, tout en jonglant avec sa vie familiale — non sans l’appui essentiel de son conjoint.
RÉSUMÉ
Le récit débute avec trois voix féminines : Audrey, Charlie et Laure. Audrey, enceinte grâce à un donneur, est l’instigatrice d’un projet de loi imposant échographie obligatoire et avortement forcé en cas de handicap détecté. Paradoxe glaçant : elle attend elle-même son premier enfant. Elle est aussi la meilleure amie de Laure, infirmière en maternité, enceinte de son amoureux Nicolas. Pourront-elles vivre ensemble ces bouleversants moments de grossesse alors qu’une telle loi plane au-dessus de leurs têtes ?
Charlie, collègue de Laure et maîtresse d’Antoine — médecin marié et père de famille —, incarne quant à elle un personnage dont la pertinence dans l’intrigue reste discutable.
IMPRESSIONS
Le message porté par Stéphanie Prince est clair : une mise en garde contre l’ingérence d’un gouvernement s’arrogeant trop de pouvoir sur nos choix intimes. On peut aussi y lire un écho aux décisions controversées prises durant la pandémie ou aux tensions persistantes entre mouvements pro-vie et pro-choix.
La dystopie propose d’ailleurs plusieurs pistes de réflexion stimulantes. Ainsi, la société fictive instaure une hiérarchie progressive : chaque médecin doit avoir été infirmier, chaque infirmier préposé, etc. Le respect des autres métiers s’en trouve renforcé. De même, l’État distribue des « tickets santé » limitant la consommation de malbouffe afin de préserver la population… et les finances publiques.
Mais si le sujet est passionnant, le texte souffre d’un défaut majeur : sa lourdeur. Les phrases s’allongent inutilement, les détails s’accumulent, et la syntaxe perd en clarté. L’autrice semble vouloir tout montrer, tout expliquer, au point de réduire l’espace d’imagination laissé au lecteur.
Les chapitres, courts et attribués à chaque narrateur, rythment pourtant l’ensemble. Mais les personnages, bien que sympathiques, peinent à devenir attachants. Manquent-ils d’objectifs, de profondeur ? Ou sont-ils étouffés par une écriture trop chargée ?
Heureusement, le dernier quart du roman tranche : l’action s’emballe, le suspense s’installe, les personnages trouvent enfin leur sens. L’intrigue se déploie avec une énergie qui manquait jusque-là.
On termine sur une attente : celle d’une suite, mais avec l’espoir d’une plume plus vive, plus épurée, plus sensible.
… comme quoi, j’avais finalement beaucoup à dire sur ce livre.