Août 2025
CONTEXTE
Christian Bobin, benjamin d’une fratrie marquée par les bombardements des 19 et 20 juin 1943, grandit dans une maisonnette de réfugiés où l’État avait relogé sa famille sinistrée. De tempérament éruptif et agoraphobe, il n’aimait guère l’école. Dans Prisonnier au berceau (2005), il livre des fragments autobiographiques qui restituent son enfance solitaire, partagée entre la tendresse de ses parents, l’austérité d’un grand-père acariâtre et la compagnie fidèle des livres.
En septembre 1979, il rencontre Ghislaine Marion, une jeune femme du Creusot, mariée et mère de trois enfants. Muse et amie de cœur, elle inspire certains de ses ouvrages les plus marquants. Leur amitié a été intense et a duré jusqu'à son décès. Sa mort, en 1995 à l’âge de 44 ans, le bouleverse profondément et lui inspire La plus que vive, publié en 1999.
Fidèle à une existence à l’écart du tumulte, Bobin s’installe en 2005 dans une maison isolée à une dizaine de kilomètres de son Creusot natal, aux côtés de la poétesse Lydie Dattas, qu’il épouse.
Interrogé sur son processus d’écriture, il confie : « J’écris en lançant ma main dans le noir du langage pour trouver les mots qui vont éclairer, pour trouver les mots qui vont me soutenir, me faire continuer et m’aider à vivre. » Une phrase qui résume l’essence même de sa démarche : explorer l’obscurité du langage pour en extraire des mots lumineux, porteurs de soutien et de guidance.
RÉSUMÉ
Dans une langue à la fois dépouillée et lumineuse, Christian Bobin ouvre son cœur et son âme pour dire l’indicible : la perte de Ghislaine. « Ta mort m'est un sevrage » écrit-il, condensant en quelques mots la douleur brute et l’arrachement irréversible.
Ce livre, d’une beauté poignante, interroge le sens de la vie et de la mort, et célèbre l’amour qui survit à tout, même à l’absence. « Je sais que la mort est goulue et qu’elle va au plus vite, comme un voyou mettant la main sur un trésor : en un millième de seconde, les yeux sont vidés et la voix éteinte. Fini, fini, fini. » Et puis, soudain, « plus personne à qui confier ce qui me trouble et qui m’enchante ».
Chaque page est un murmure tendre, un fil invisible tendu vers celle qui demeure, discrète et lumineuse, dans chaque souffle : « Je t’aime, Ghislaine. Il est hors de question de mettre cette parole à l’imparfait. »
IMPRESSIONS
Bobin métamorphose la mort en pure beauté littéraire. ❤️
Ses mots, affranchis de toute entrave, s’élancent dans un souffle continu, les points n’apparaissant qu’au moment où il semble reprendre haleine. Parfois, au contraire, les phrases se précipitent, se bousculent, et le point se glisse comme pour lui offrir une respiration. De cette voix apaisée émane une force tranquille qui atteint le cœur sans détour. Je me sens alors en paix avec ma propre fin. Pourtant, tapie dans l’ombre, subsiste la peur déchirante de devoir un jour porter un tel deuil.