CONTEXTE
Rédigé au lendemain de l’élection de Donald Trump, ce texte se veut un manuel de résistance : un court répertoire d’idées destiné à aider les Américains – et, par extension, les Européens – à préserver leurs libertés dans les années à venir. En vingt chapitres concis et pédagogiques, l’historien Timothy Snyder met en lumière les parallèles entre la situation politique actuelle aux États-Unis et l’histoire européenne du XXᵉ siècle.
RÉSUMÉ
Le péril de notre temps n’est pas le retour brutal d’une tyrannie visible, mais la lente dérive : de la démocratie naïvement perçue comme acquise vers une oligarchie cynique, confuse et fascisante.
Nous avons cru à la politique de l’inévitabilité : l’histoire avancerait toujours vers plus de prospérité et de raison. Illusion. Quand ce mythe s’effondre, la politique de l’éternité s’installe : le futur disparaît, remplacé par un passé mythifié. La nation devient victime perpétuelle, l’ennemi omniprésent, la crise éternelle.
Sous l’inévitabilité, la critique se résignait. Sous l’éternité, elle se dissout dans le mythe. Dans les deux cas, la démocratie s’éteint.
L’histoire, pourtant, n’est pas condamnée à se répéter : elle est une responsabilité. À nous de la connaître, de la revendiquer, de la faire.
Vingt leçons de vigilance démocratique
Pour cela, il ne suffit pas de proclamer de grands principes : il faut cultiver des gestes simples, concrets, capables de bâtir une résistance quotidienne. En vingt leçons brèves mais décisives, un manuel de survie démocratique se dessine :
N’obéissez pas d’avance. Refusez de préparer le terrain à ceux qui veulent commander.
Protégez les institutions. Elles sont votre bouclier.
Refusez le parti unique. Là où il règne, la liberté meurt.
Soyez responsables du monde. Ne détournez pas le regard devant la haine.
N’acceptez aucun marquage. L’histoire nous a appris où mènent les vitrines « juives » ou les catégories imposées.
Souvenez-vous de l’éthique professionnelle. Les tyrans ont besoin de médecins, de juges, d’enseignants dociles : ne leur donnez pas ce pouvoir.
Refusez les milices. Ceux qui prétendent « combattre le système » finissent en uniforme, derrière un chef.
Ne cédez pas à l’illusion des armes. Elles n’ouvrent jamais la liberté, mais la tyrannie.
Choisissez la dignité du geste civil. Un simple refus, comme celui de Rosa Parks, peut changer l’histoire.
Défendez la vérité. La post-vérité est déjà un préfascisme.
Résistez par le langage. Inversez la novlangue, osez dire ce que d’autres taisent, lisez.
Cherchez à comprendre. Préférez l’investigation aux slogans prêts-à-penser.
Entretenez les liens humains. Les solidarités commencent par un regard, une parole.
Pratiquez la politique du corps. Sortez, marchez, rencontrez. La démocratie se vit dans l’espace public.
Protégez votre intimité. Ce qu’un régime sait de vous, il l’utilisera contre vous.
Contribuez aux bonnes causes. Engagez-vous dans des associations, soutenez vos valeurs par des actes.
Apprenez de l’ailleurs. Entretenez des amitiés au-delà des frontières. La fermeture nourrit la tyrannie.
Soyez vigilants face aux mots dangereux. « Urgence », « exception », « terrorisme » : autant de prétextes pour suspendre les libertés.
Ne cédez pas à la peur. Chaque catastrophe peut servir d’alibi pour réduire les droits.
Redéfinissez le patriotisme. Le véritable patriote n’est pas celui qui détruit la démocratie au nom de la nation.
En somme, soyez courageux. Il vaut mieux mourir pour la démocratie que vivre sous la tyrannie.
IMPRESSIONS
Un ouvrage essentiel pour se forger une conscience claire : la démocratie n’est pas un acquis, mais une exigence, une lutte de chaque instant. Elle s’érode par la passivité, elle s’éteint par la peur, elle renaît par le courage. Chacun de nous porte une part de responsabilité : dans la vérité que nous défendons, dans les solidarités que nous retissons, dans les institutions que nous protégeons, dans la résistance aux discours de haine. Face à l’attrait mortifère de l’inévitabilité et de l’éternité, il reste une voie : celle de l’histoire vivante, assumée, construite. La démocratie ne survit que si nous la faisons vivre.